Au Musée de la Marine : Le voyage de l'Obélisque, Louxor-Paris (1829-1836)


Quelle épopée! Le Musée de la Marine nous invite à regarder d'un autre œil l'un de nos monuments emblématiques, l'Obélisque de la Concorde. Ce monolithe édifié sous Ramsès II, nous est si familier que nous en oublions son incroyable histoire. On la redécouvre, sans bouder son plaisir, grâce à une exposition passionnante, riche en dessins, maquettes, portraits, dioramas et objets de fouilles.

 

Visite avec Marianne Lohse ©

 

 

 



Tout commence en 1830, avec un encombrant cadeau à la France du vice-roi d'Egypte, Méhémet-Ali: deux obélisques d'Alexandrie. Un geste de reconnaissance. Le vice-roi qui s'efforce de moderniser son pays emploie de nombreux officiers et ingénieurs français.

 

 

Méhémet-Ali, vice-roi d'Égypte (1769-1849), huile sur toile, 1840.
Louis Charles Auguste Couder (1789-1873).
© RMN-Grand Palais (Château de Versailles)/Gérard Blot

 

Champollion suggère, à la place, de transporter à Paris les deux obélisques qui flanquent l'entrée du temple de Louxor, mieux conservées. C'est finalement l'obélisque occidental, haut de 33 mètres et pesant 230 tonnes qui sera choisi.

 

 

 Façade du temple de Louxor, vers 1800, aquarelle.
François-Charles Cécile (1766-1840).
© RMN-Grand Palais (musée du Louvre)/Les frères Chuzeville

 

 Élévation et plan de l'appareil d'abattage et d'érection de l'obélisque, Jean-Baptiste
Apollinaire Le Bas, 1831
© Musée national de la Marine/A. Fux

 

 

Commence alors une aventure aux nombreuses péripéties. Elle va durer sept ans. Sept ans pour mettre l'obélisque à bas sans le briser, descendre le Nil, traverser en remorque la Méditerranée et l'Atlantique, remonter la Seine pour que finalement le monolithe se dresse Place de la Concorde. On construit tout exprès, à Toulon, un bateau délirant, à fond plat, à faible tirant d'eau, au mât rabattable, le Luxor.

 

Vue de l'abattage de l'obélisque, n°4, in Campagne du Luxor (1835), estampe, 1831.
Léon de Joannis (1803-1868)
© Musée national de la Marine/A. Fux

 

 

Vue du Luxor avant son retour en France, lavis et aquarelle, 1832.
Léon de Joannis (1803-1868).
© Musée national de la Marine/A. Fux

 

Entretemps, sans que la Révolution de Juillet remette le projet en cause, Charles X a abdiqué, Louis-Philippe est devenu roi des Français. Un jeune polytechnicien, ingénieur du génie maritime, Apollinaire Lebas, est chargé des opérations liées au voyage. Lebas compense sa petite taille par une énergie sans faille.

 

Portrait d'Apollinaire Lebas (1797-1873), anonyme, milieu XIXe siècle
© Musée national de la Marine/A.Fux

 

En avril 1831, avec à son bord 121 passagers et plusieurs tonnes de matériel, le Luxor prend la mer. Le commandement est assuré par Raymond de Verninac-Saint-Maur, secondé par Léon de Joannis. Si, aujourd'hui, on sait tout ou presque de cette épopée c'est beaucoup aux récits de ces trois hommes qu'on le doit. Et aux remarquables dessins et aquarelles de Joannis.

 

Abattage de l'Obélisque de Louqsor, maquette au 1/66. Atelier du musée de la Marine,
1847.
© Musée national de la Marine/A. Fux

 

 

« Il va falloir» rappelle le commissaire Marie-Pierre Demarcq « désensabler l'obélisque que deux cents hommes ont permis d'abattre, aménager une chaussée pour le haler jusqu'au bateau, dans son coffre de protection. En décembre 1831, le précieux monolithe est chargé à bord du Luxor dont l'avant a été découpé. Hélas, le Nil est à sec. L'équipage devra patienter sept mois jusqu'à la prochaine crue. Et affronter une grave épidémie de dysenterie. En octobre 1832, on arrive à Rosette. Cette fois, par manque d'eau, la barrière du fleuve est infranchissable…»

 

Le Sphinx remorquant le Luxor, François Roux (1811-1882), aquarelle sur papier, vers
1880/82
© Galerie Delalande, le Louvre des antiquaires. Paris

 

Remorqué depuis Alexandrie par le Sphinx, premier navire de haute mer à vapeur (on a préféré laisser passer les tempêtes hivernales), le Luxor arrive à Toulon en mai 1833. Pour être aussitôt mis en quarantaine. De Cherbourg à Rouen, l'extravagante équipée se poursuit. Cette fois, le bateau est halé par des chevaux. En août 1834, le monolithe est hissé sur la rampe du pont de la Concorde. Ce n'est pas fini pour autant! Le brave Luxor cingle vers la Bretagne avec une nouvelle mission: rapporter les 240 tonnes de granit du Finistère destinés au socle du monument, l'original étant trop abimé.

 

 

Érection de l'Obélisque de Louxor, 25 octobre 1836, détails, aquarelle.
Cayrac, 1837
MnM 15 OA 5 D
Dépôt du musée du Louvre
© Musée national de la Marine/P. Dantec

 

 

Le 25 octobre 1836, en présence d'une foule considérable, l'obélisque, levé par 350 artilleurs et dix cabestans, est enfin érigé sur la Place de la Concorde. Prudemment, le roi Louis Philippe a préféré attendre la fin des opérations pour apparaitre au balcon de l'Hôtel de la Marine. L'égyptomanie va faire rage. Nous n'en sommes pas guéris.

 

 

L'obélisque de Louxor, Place de la Concorde. Août 2013
© Musée National de la Marine / A. Fux

 


Marianne Lohse
 

Jusqu'au 6 juillet.

Musée de la Marine, Palais de Chaillot, 17 Place du Trocadéro, Paris 16ème

www.musée-marine.fr
 

 

 

Créé le : 15/03/2014 - Mise à jour : 18/03/2014
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