La licorne et le bézoard au Musée Sainte-Croix de Poitiers, jusqu'au 16 mars 2014

Au carrefour des légendes et de la connaissance, de la crédulité et du savoir, de la culture et du pouvoir, de l'art et de la science, un étrange voyage au sein des cabinets de curiosités est proposé jusqu'au 16 mars prochain au musée Sainte-Croix de Poitiers. L'exposition "une histoire des cabinets de curiosités d'hier à aujourd'hui", fruit de 10 années de travail initié par une équipe d'enseignants chercheurs de l'Université de Poitiers, offre au visiteur un parcours initiatique dans l'univers insolite et captivant de pièces prestigieuses issues de collections françaises et étrangères.
L'exposition rompt avec les codes de présentation usuels des œuvres dans les musées. Elle restitue parfaitement l'atmosphère intimiste des cabinets de curiosités : volumes volontairement restreints, éclairage soigneusement maîtrisé, diversité foisonnante des objets qui témoignent de la multiséculaire et insatiable curiosité des hommes à observer et comprendre le monde.

 

Visite avec Chantal Royer ©

 

 

 

 

Véritables microcosmes, les cabinets de curiosités composent une image du monde où se côtoient, au gré des collectionneurs, l'homme et la nature, le rare, le précieux, le monstrueux, le bizarre, réunissant œuvres naturelles (naturalia), œuvres humaines (artificialia), éléments rapportés de contrées lointaines (exotica), objets et instruments scientifiques (scientifica) et le "mirabilia" toutes choses relevant de l'inconnu, de l'étrange, du merveilleux, du surnaturel.

 



Jean Gargot (actif à Poitiers, 2e moitié du XVIIe siècle), La Grand' Goule, 1677, bois polychrome. Musées de Poitiers


Accueillis par la Grand Goule, monstre poitevin dompté par Sainte-Radegonde, face à un étrange rassemblement d'objets, reliquaire, crocodile, spongiaires, estampes, flèches empoisonnées et corne de licorne, nous voici d'emblée immergés dans l'univers du bizarre où se côtoient une œuvre contemporaine de David LaChapelle, un squelette d'autruche, des objets de vie quotidienne, instantanés du monde se reflétant dans un vaste miroir.
De larges panneaux guident et renseignent le visiteur tout au long de sa progression, de cabinet d'apothicaire en cabinet princier, de bric-à-brac de collectionneur amateur en cabinet du naturaliste. D'espaces en espaces, de la Renaissance au XXIe siècle, la diversité et l'évolution en Europe des cabinets de curiosités nous sont révélées. 

 

Reproduction du studiolo d'Urbino (fin du XVe), cabinet de travail à l'intérieur du palais ducal dont les murs de marqueterie en trompe l'œil figuraient meubles et objets d'un cabinet de curiosités



Les studioli de la renaissance italienne permettaient de ménager dans les palais des hommes de pouvoir des lieux dédiés à la méditation, la lecture et l'écriture. Réservés à un cénacle, ils constituaient aussi un signe de distinction sociale.

 

 

Un modèle de cabinet du XVIe siècle



L'idéal du microcosme, sorte d'abrégé du monde, pièce octogonale, sombre, garnie de multiples objets de toutes natures, espèces animales, squelettes et animaux empaillés, fossiles, coquillages, herbiers, monnaies, gravures, corne de licorne et … le mystérieux bézoard, concrétion pierreuse qui se forme dans le corps de certains animaux et à laquelle on attribuait autrefois des propriétés curatives et des vertus magiques

 

 

Non ce n'est pas un petit pain de seigle ! C'est un bézoard ouvert



.
Changement d'atmosphère : Le cabinet princier, inspiré par le château d'Ambras (Autriche), se distingue par le caractère luxueux et rares des collections. Plus qu'un reflet du monde, on y verra la marque de la puissance du prince qui doit impressionner ses hôtes de marque. Sans doute est-ce la raison de la présence de nombreuses pièces d'armement extraordinaires ?.

 


Aperçu du cabinet princier avec au 1er plan une armure de samouraï

 

Meubles plaqués de bois précieux, vitrines réunissant des raretés somptueuses, tableaux, pièces d'orfèvrerie et objets sculptés sertis d'argent, l'étrange reste présent avec ce portrait d'une enfant dont le corps était couvert de poils (hypertricose), considérée comme un chaînon manquant entre l'homme et l'animal.

 

Lavinia Fontana, Portrait d'Antonietta Gonzalez ou Gonsalvus, vers 1594-1595

 

Entrons maintenant dans un cabinet « roturier », celui de Paul Contant, apothicaire à Poitiers (XVI et XVII siècle). Auprès de son officine, son cabinet est ouvert au public et aux étudiants. Exploitant ses relations avec le port de La Rochelle, il enrichit ses collections d'objets exotiques et lointains : tatou, toucan, parures de plumes, collier de dents … Il crée également un jardin qui suscite un engouement européen. Plantes rares et végétaux spectaculaires lui inspirent un poème en 932 alexandrins et une gravure où sont représentées 58 variétés de fleurs. Ses visiteurs, grâce aux numéros figurant en tête de chaque vers et sur chaque fleur, iront ainsi de découverte en découverte en une sorte de « jeu de piste ».

 

Paul CONTANT, Le jardin, et Cabinet poétique, Poitiers, Anthoine Mesnier 1609 : planche gravée.

 

Au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles, le cabinet de Nicolas Chevalier donne une nouvelle image du collectionneur : le cabinet de curiosités devient le théâtre de transactions, notamment de médailles, et on acquitte un droit d'entrée. L'exposition propose une reconstitution du cabinet de Chevalier à partir des descriptions sommaires qu'il en a laissées. Au plafond sont exposées les pièces les plus volumineuses comme un imposant crocodile.

 


Au XVIIIe siècle, le cabinet de curiosités évolue et se spécialise. Celui de Frederik Ruysch, médecin anatomiste, contient toujours une partie dédiée aux animaux exotiques et végétaux rares mais s'enrichit de pièces anatomiques.
D'un côté des bocaux, contenant des animaux combinés aux végétaux, dont les bouchons sont décorés à la manière d'Arcimboldo.

 

Frederik RUYSCH, ibid., planche 1 du Thesaurus primus Animalium,
fig. 1 et 2, correspondant aux bocaux 81 et n°2. Poitiers, BU.

 

De l'autre, des pièces anatomiques, écorché, moutons siamois, veau à 2 têtes, fœtus, calculs … certaines faisant l'objet de constructions allégoriques sur la vanité de la condition humaine.

 

 Au centre le fac-similé d'une "vanité" tridimensionnelle de F.Ruysch composée de 3 squelettes entourant un monticule de calculs, ornée de vaisseaux dressés tels des coraux.

 

La dernière étape se propose d'imaginer ce que pourrait rassembler un cabinet de curiosités du XXIe siècle : bronzes de Jan Fabre, la boite verte de Marcel Duchamp, des œuvres issues de l'Urbarium de Hervé le Tellier - notamment un « QUARTUM VITELLUM » sous verre - dont l'étiquette précise "famille : potiones – Vulgo : quart Vittel – habitat : caniveaux, chaussées – Propriétés : potable, sans goût et sans odeur notable". Enfin une liste établie par Pierre Martin "provisoirement définitive et définitivement provisoire de possibles curiosités contemporaines" suggère entre autres : le bouton de la culotte du Zouave, les "jiboux de la Tascafiore", le raton-laveur de l'inventaire de Prévert


Notre parcours ne peut s'achever sans entrevoir, dans un espace dédié, les curiosités du XXIe siècle conçues par les enfants d'écoles primaires de Poitiers. Après leur visite au cabinet du « Sieur Alcide de Farcy » collectionneur loufoque et un tantinet crédule et les multiples réflexions qui en découlèrent, nos collectionneurs en herbe ont imaginé, décrit, illustré, voire réalisé « leurs curiosités » comme le « lancecol » pour terrasser le minotaure ou le « pistoignon », machine à faire pleurer le cyclope ou encore des animaux extraordinaires comme ces étranges perroquets de métal.

 

 Les étranges perroquets de métal des classes CE2/CM1 – Ecole publique élémentaire de Coligny-Cornet

 

Qui a dit que la curiosité était un vilain défaut ?

 

Ch. Royer

 

Exposition La licorne et le bézoard jusqu'au 16 mars 2014

Musée Sainte-Croix
3 bis, rue Jean-Jaurès 86000 POITIERS
Tél : 05.49.41.07.53

Horaires
Du mercredi au vendredi : 10h-12h / 13h15-17h
Les samedi et dimanche : 14h-18h
Journée continue : le mardi de 10h-17h
Fermeture les lundi et jours fériés

 

A voir également à l'espace Mendès-France, face au Musée Sainte-Croix, « Sciences et curiosités au XIXe siècle » une salle pour découvrir la science dans les cabinets de curiosités présentant quelques objets en physique et en biologie des collections scientifiques de l'Université de Poitiers:

Et si vous ne pouvez vous rendre à Poitiers un catalogue superbe a été édité: « La licorne et le bézoard : histoire des cabinets de curiosités» - Éditions Gourcuff Gradenigo, 448 pages

 

Liens utiles :

Musees-poitiers.org - Exposition Licorne et bézoard

Plan d'accès du Musée Sainte Croix

Plan de circulation et parkings du centre ville piétonnier

Espace Mendès-France

Curiositas.org : le site de référence sur les cabinets de curiosités

Tout savoir sur la Grand Goule

Ville de Poitiers

 

 

Créé le : 06/02/2014 - Mise à jour : 08/02/2014
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